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VI. Application à l'analyse de l'interprétation



I. Principes de l'analyse différentielle
II. Implémentation
III. Exemples de représentations
IV. Intérêt pour la théorie musicale
V. Application à l'analyse de la musique électroacoustique
VI. Application à l'analyse de l'interprétation
VII. Conclusion et perspectives




Jean-Marc Chouvel (Université de Reims - CRLM - IDEAT UMR8153)

Jean Bresson
(Ircam-CNRS UMR 9912)

Carlos Agon
(Ircam-CNRS UMR 9912)






















































(2) Le terme "dynamique" peut être ici source de confusion. Il signifie en effet traditionnellement en musique le niveau sonore. On conviendra  d'appeler ici "forme résultante de l'énergie différentielle" la courbe obtenue par sommation à chaque instant de l'ensemble de l'énergie engagée dans un "mouvement" (processus dynamique) pour toutes les bandes de fréquence.
La TFD est évidemment particulièrement intéressante dans le cadre de l'analyse de l'interprétation. Il n'est pas possible ici de donner un aperçu de toutes les subtilités interprétatives que cette représentation peut permettre de rendre évidentes. Nous nous contenterons d'un exemple très simple mais où on pourra voir la capacité de la TFD de mettre en évidence des éléments qui sont certes parfaitement perceptibles, mais auquels on ne prêterait pas forcément attention.

Nous allons comparer deux interprétations relativement récentes du Largo Cantabile du quatuor op. 33 n°5 de Joseph Haydn, l'une par le quatuor Mosaïques (enregistrement Naïve E 8801 de 1996/97), l'autre par le quatuor Salomon (enregistrement Hypérion CDA 66682 de 1992). Les liens ci-dessous permettent de visualiser simultannément les formes d'onde, et les formes d'onde différentielles pour les deux enregistrements.

 Largo Cantabile du quatuor op. 33 n°5 de Joseph Haydn, l'une par le quatuor Mosaïques (enregistrement Naïve E 8801 de 1996/97)


Il y a une différence globale très marquée entre les deux interprétations qui se traduit par la nécessité d'un changement d'échelle de la FOD pour le quatuor Salomon. La principale cause en est un jeu nettement plus vibré d'une manière homogène sur tout le mouvement. Cela ne veut pas dire que le quatuor Mosaïques ne vibre pas, mais il le fait de manière plus ciblée, comme on peut le constater en regardant de plus près ce qui se passe quelques mesures avant la mesure 50.





Ex. 12a : Transformée de Fourier d'un extrait du Largo Cantabile du quatuor op. 33 n°5 de Joseph Haydn par le quatuor Mosaïques (enregistrement Naïve E 8801 de 1996/97 secondes 190 à 220)



Ex. 12b : Transformée de Fourier différentielle d'un extrait du Largo Cantabile du quatuor op. 33 n°5 de Joseph Haydn par le quatuor Mosaïques (enregistrement Naïve E 8801 de 1996/97 secondes 190 à 220)




Ex. 13a : Transformée de Fourier d'un extrait du Largo Cantabile du quatuor op. 33 n°5 de Joseph Haydn par le quatuor Salomon (enregistrement Hypérion CDA 66682 de 1992 seccondes 160 à 190)



Ex. 13b : Transformée de Fourier différentielle d'un extrait du Largo Cantabile du quatuor op. 33 n°5 de Joseph Haydn par le quatuor Salomon (enregistrement Hypérion CDA 66682 de 1992 seccondes 160 à 190)

Plutôt que d'utiliser indifféremment le vibrato, le quatuor mosaïque fait le choix de souligner un moment important dans la forme du mouvement, marquant l'aboutissement du chant et préparant le retour du premier thème. Ce moment est déjà souligné par Haydn par un contraste de nuances. Le quatuor Mosaïques fait le choix d'accentuer ce contraste en le doublant d'une insistance "dynamique" au sens que nous développons ici. Le quatuor Salomon prend au contraire le parti d'atténuer l'effet de contraste en anticipant presque sur la nuance. C'est caractéristique évidemment de styles d'interprétations assez différents. On pourrait donner bien d'autres illustrations de ces divergences, à commencer par le tempo. L'utilisation de tous les registres sonores, vibrato, timbre, attaques, etc. pour mettre en relief les aspects particuliers de chacune des "histoires" musicales que raconte Haydn dans ses quatuors est sans doute caractéristique aussi d'une génération d'instrumentistes qui a abordé les répertoires baroque et contemporain et renouvèle ainsi l'approche de l'interprétation de la musique classique.


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