SCRIME (Studio de Création et de Recherche en Informatique et Musique Electroacoustique), Bordeaux
Jean-Louis.Di-Santo@wanadoo.fr
Article
Résumé
Les recherches linguistique et sémiotique ont permis d’élaborer, pour la langue, différents niveaux d’unité, de la plus petite à la plus grande :
au niveau infra unité, les constituants d’un son : ce que R. Jakobson a appelé « traits distinctifs », E. Benveniste « mérismes » et B. Pottier « phème ».
l’unité minimale : le phonème
le signe minimal : le morphème
l’unité du plan du contenu : la lexie
l’unité de la chaîne syntagmatique : la phrase
Cette chaîne d’unités s’incluant les unes les autres, de la plus petite à la plus grande, peut s’appliquer à la musique électroacoustique (ou à la musique en général), en employant une autre terminologie, soit pour ne pas empiéter sur la linguistique, soit parce que d’autres termes existent déjà appliqués à la musique (avec l’éternel dilemme : créer une profusion de néologismes ou augmenter la polysémie, donc l’imprécision, de termes déjà usités) :
les termes « trait distinctif » et « phème » étant employés en linguistique, nous pouvons retenir profil pour la musique. Chaque unité minimale musicale est composée de 4 profils : profil mélodique (son ascendant, descendant ou stable), profil rythmique (itération, grain ou allure accélérant, décélérant ou stable), profil harmonique (spectre s’enrichissant, s’appauvrissant ou stable) et profil dynamique (crescendo, decrescendo ou stabilité). Nous retrouvons là les 4 paramètres classiques de la musique, à cette différence fondamentale : ces paramètres sont ici considérés en tant que processus et permettent donc une évolution dans le temps, la stabilité étant un processus parmi les autres.
l’unité minimale se définit comme tout son présentant une unité de processus, quelle que soit sa durée. Ce processus commande la modification (ou la non modification) toujours identique d’un profil ou d’un faisceau de profils du son. Cette unité minimale, nous l’appelons phase.
La combinaison de différentes phases d’une même matière, de processus similaire ou variant progressivement, en une unité plus grande donne l’entité.
Certaines unités sont constituées de plusieurs phases présentant une rupture de processus, ou de matières différentes. Nous proposons le terme de groupe.
Enfin, la phrase, terme déjà largement employé en musique, qui englobe plusieurs phases, entités ou groupes pris dans le même geste.
La découverte de l’unité minimale de la musique électroacoustique a une double conséquence :
Elle permet une analyse plus fine de la musique électroacoustique, tant sur le plan du rapport et de la fonction des différents éléments d’une composition entre eux, que sur le plan d’une relation entre le son et le sens. Elle apporte donc un outil supplémentaire à l’acoulogie souhaitée par P. Schaeffer.
Elle permet la création d’un système de notation symbolique, voire de composition de la musique électroacoustique, que nous proposons comme suit (un système de notation symbolique, et non iconique comme l’acousmographe, permet de mieux saisir les relations entre les différents éléments, et donc de pousser l’abstraction au même niveau que la musique instrumentale) :
Proposition de notation de la musique acousmatique (p = profil) :
la réunion de tous ces paramètres donne, par exemple, ce dessin :
Ce système symbolique peut s’utiliser son par son, tout comme une partition s’utilise instrument par instrument. Outre ses possibilités pour l’écriture de la musique électroacoustique, il offre les mêmes avantages qu’une partition pour l’analyse musicale.
Bibliographie
Benveniste, Emile : Problèmes de linguistique générale
Di Santo, Jean Louis : Analyse des UST (mémoire)
Greimas, A. J. : Dictionnaire raisonné du langage
Jakobson, Roman : Essai de linguistique générale, T1
MIM : les Unités Sémiotiques Temporelles
Schaeffer, Pierre : Traité des Objets Musicaux