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Referential Sounds, Symbolism and Semiotics

Jean-Louis Di Santo

Jean-Louis Di Santo, SCRIME, Bordeaux, France
Jean-Louis.Di-Santo@wanadoo.fr

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Abstract

De par le passé, de nombreux compositeurs, de C. Janequin à O. Messiaen qui se sont inspirés des oiseaux, en passant par Chopin qui, à travers sa « Polonaise », a voulu exprimé une idée, pour ne citer qu’eux, ont tenté d’extraire la musique de son aspect intrinsèquement abstrait ou uniquement tourné vers l’expression de sentiments pour en élargir le champ. Cette démarche se trouvait limitée par l’utilisation des instruments et la conception de la musique qui se limite à la gestion des hauteurs et des rythmes pour bâtir le discours musical, du motif à la grande forme. La possibilité d’enregistrer des sons et de pouvoir les réutiliser dans des compositions musicales constitue alors une véritable révolution à bien des égards. Ce qui nous intéressera tout particulièrement ici consiste dans l’utilisation des sons dits référentiels ou anecdotiques, c’est-à-dire des sons de notre environnement dont nous pouvons identifier la cause. Nous sommes ici aux antipodes de l’écoute réduite, dans ce que nous pourrions appeler une écoute élargie: ces sons sont porteurs d’une dimension symbolique qui va au-delà de leur morphologie musicale (même si leur morphologie elle-même peut symboliser autre chose) et peuvent générer une signification. Cette signification, comme lors de l’utilisation des mots, va dépendre alors du contexte dans lequel le son est placé, et des pouvoirs de dénotation et de connotation qu’il recèle. Mieux encore : ils autorisent de manier la symbolique qui leur est attachée à la façon dont les peintres ont utilisé les images afin de relater des récits ou exprimer des idées. Les sons anecdotiques sont habituellement considérés comme indices dans la sémiotique peircéenne et repris comme tels dans « le traité des objets musicaux » de Pierre Schaeffer : un bruit de voiture par exemple nous renvoie à l’arrivée de ce véhicule même si nous ne le voyons pas. Enregistré et déconnecté de son contexte, sa « phonographie », pour reprendre l’expression de F. B. Mâche, perd sa nature d’indice pour devenir ce que F. Bayle a appelé « im-son », c’est-à-dire une image en termes sémiotiques. L’écoute élargie prend alors en considération ces aspects non musicaux des sons mais qui pourtant contribuent à la musique dans le sens où la musique n’est plus simplement une architecture sonore, un jeu formel replié sur lui-même, mais un système sémiotique de représentation. Ces « im-sons », lors du montage/mixage, de par leur association, vont générer un langage comparable au langage cinématographique. Les figures classiques de métaphore et de métonymie vont alors jouer à plein, ainsi que les phénomènes d’éloignement, gros plan, apparition..., bref tout ce que l’on peut ranger dans la catégorie des archétypes à la suite de F. Bayle, D. Smalley, T. Wishart ou F. B. Mâche. Toute manipulation ou transformation audible de ces sons devient alors porteuse de sens. Si, comme le notait B. Lortat-Jacob pour la musique en général « ... la musique produit du sens (dont la difficulté d’appréhension ne peut être mis sur le compte de sa minceur) et est elle-même générée par le sens », cette remarque prend davantage d’acuité dès lors qu’elle s’extrait de l’abstraction : le sens afférant à la musique ne devient peut-être pas plus épais, mais certainement plus aisé à saisir. Entre symbole littéraire (où, comme l’analysait R. Barthes, l’on assiste à un glissement où le signifié devient le signifiant d’un autre signifié) et symbole peircéen (un signe créé pour être signe), le son anecdotique perd sa nature de simple icône et produit du sens. Une fois brisé le tabou posé par P. Schaeffer (l’utilisation des sons anecdotiques pour leur valeur référentielle) s’ouvre alors un univers de possibles que de nombreux compositeurs ont exploré.
En utilisant principalement les théories sémiotiques de CH. Sanders Peirce, et en nous référant à des exemples musicaux, nous analyserons le fonctionnement de ces sons référentiels et serons amenés à distinguer trois grandes catégories de compositions : les poésies sonores, les pièces narratives et les arguments musicaux.

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